Traduire l’ambiguïté : L’exemple de وقائع حارة الزعفرانى de Gamal Ghitany traduit par Khaled Osman | ||||
Alsun Beni-Suef International Journal of Linguistics Translation and Literature | ||||
Article 3, Volume 2, Issue 1, June 2022, Page 48-70 PDF (1.96 MB) | ||||
Document Type: Original Article | ||||
DOI: 10.21608/abjltl.2022.242883 | ||||
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Author | ||||
Sarah Bassaly | ||||
Abstract | ||||
Résumé : L’article porte sur la traduction française du roman de Gamal Ghitany intitulée La Mystérieuse affaire de l’impasse Zaafarânî, traduite par Khaled Osman et publiée chez Sindbad/Actes Sud en 1997. Ce roman se caractérise par un style d’écriture objectif et documentaire : celui-ci se compose de six dossiers relatant la situation critique qu’affrontent les riverains de Zaafarâni. La Hâra est en état d’ébullition extrême à cause de l’impuissance sexuelle imposée par le talisman du cheikh Ateyya possédant des aptitudes surnaturelles. Plusieurs questions se posent alors : comment traduire un texte aussi ambigu ? Pour répondre à la question susmentionnée, nous nous basons sur la méthode suggérée par le traductologue Antoine Berman dans son ouvrage intitulé La traduction et la lettre ou l’Auberge du lointain. Notre objectif consiste à délimiter les tendances déformantes résultantes du processus traductif. Notre étude essayera de montrer dans quelle mesure ces tendances contribuent à modifier le texte d’arrivée. | ||||
Keywords | ||||
Traduction; Ambiguïté; Réécriture; Enallage; Stratégies traductives | ||||
Full Text | ||||
Traduire l’ambiguïté : L’exemple deوقائع حارة الزعفرانىde Gamal Ghitany traduit par Khaled Osman
Sarah Bassaly Université du Caire
Résumé : L’article porte sur la traduction française du roman de Gamal Ghitany intitulée La Mystérieuse affaire de l’impasse Zaafarânî, traduite par Khaled Osman et publiée chez Sindbad/Actes Sud en 1997. Ce roman se caractérise par un style d’écriture objectif et documentaire : celui-ci se compose de six dossiers relatant la situation critique qu’affrontent les riverains de Zaafarâni. La Hâra est en état d’ébullition extrême à cause de l’impuissance sexuelle imposée par le talisman du cheikh Ateyya possédant des aptitudes surnaturelles. Plusieurs questions se posent alors : comment traduire un texte aussi ambigu ? Pour répondre à la question susmentionnée, nous nous basons sur la méthode suggérée par le traductologue Antoine Berman dans son ouvrage intitulé La traduction et la lettre ou l’Auberge du lointain. Notre objectif consiste à délimiter les tendances déformantes résultantes du processus traductif. Notre étude essayera de montrer dans quelle mesure ces tendances contribuent à modifier le texte d’arrivée.
Mots-clés : Traduction - Ambiguïté – Réécriture – Enallage – Stratégies traductives
الملخص : ترتکز هذه الدراسة على الترجمة الفرنسية لرواية الأديب جمال الغيطانى وقائع حارة الزعفرانى والتى نُشرت عام 1997 فى دار النشر Sindbad/Actes Sud. يخوض الکاتب بعمق فى واقع الحارة المصرية ويکشف الآفات المجتمعية والإنسانية المتعلقة بالنواحى السياسية والإقتصادية لفترة السبعينيات من القرن الماضى. يتميز هذا النص بأسلوب کتابة فريد حيت يعتمد على شکل روائى مفتوح ، يمزج الخيال بالواقع، المعقول بالأسطورى.بالإضافة إلى ذلک، يسلط الکاتب الضوء على شخصية الشيخ عطية ، فهو يرمز للهيمنة عن طريق نسب الخوارق والحکايات الغرائبية له وبسببه يصاب أهل الحارة "بالطلسمة" و العجز الجنسى. لذا يتکون العمل من ستة ملفات و کأنه يريد من القارئ الإشتراک معه فى التأليف وتحليل الوثائق للوصول للمعنى ورمزيته من خلال التأويل. تکمن صعوبة ترجمة هذا النص للغة الفرنسية فى ازدواجية المعنى: کيف يمکن للمترجم أن يتعامل مع نص يقوم بالأساس على ازدواجية المعنى؟ کيف يمکنه ترجمة الجانب الغرائبى من الرواية والمعتمد على الموروثات الثقافية المصرية البعيدة عن القارئ الفرنسى؟ تعد هذه الرواية أحد أهم أعمال جمال الغيطانى الأدبية لما فيها من فتح آفاق جديدة للواقعية. تقوم الدراسة بالاستعانة بمنهجية انطوان بيرمان فى کتابه La traduction et la lettre ou l’auberge du lointain . الکلمات المفتاحية : ترجمة – ازدواجية المعنى – إعادة الکتابة – الالتفات – استراتيجيات الترجمة La présente étude a pour objet le deuxième roman de Gamal Ghitany publié en 1976 et ayant pour titre وقائع حارة الزعفرانى[1] et sa version traduite vers le français La mystérieuse affaire de l’impasse Zaafarâanî[2] publié chez Actes Sud en 1997.
Cette œuvre esquisse une image de la société égyptienne traversant dans les années soixante-dix, une ère conflictuelle sur tous les plans ; un profond désenchantement se produit suite au décès de Nasser en 1970 et l’adoption de Sadate d’une nouvelle politique, celle de l’ouverture économique.
Nous avons affaire à un récit singulier composé de six dossiers majeurs brossant un portrait de l’Egypte face à une époque charnière, celle de la modernité des années soixante-dix. Il s’agit donc d’un florilège d’épisodes, marqués par l’aspect violent et surnaturel, présentant les moments les plus sombres vécus par les riverains de la ruelle Zaafarânî : combats de rue, folies destructrices, règlement de comptes, disputes familiales, etc. La ruelle est en ébullition à cause de l’impuissance sexuelle frappant tous les riverains de manière énigmatique. Face à ce genre de crise, la société fait face à la décadence des valeurs et à la dégradation des mœurs.
De prime abord, le terme « Hâra » figure dans le titre de trois œuvres romanesques, dont deux appartiennent au Prix Nobel Mahfouz. Il s’agit d’un espace urbain récurrent dans la littérature d’inspiration égyptienne vue sa représentativité de l’histoire du pays, son esprit et son paysage : les écrivains tendent à la personnifier pour l’envisager comme protagoniste du roman puisqu’elle constitue une unité d’agglomération humaine ; les habitants sont considérés comme un échantillon représentatif du peuple.
Ce mot a été traduit de diverses manières. Khaled Osman a traduit le roman حکايات حارتنا [3] par Récits de notre quartier.Or, Jean-Patrick Guillaume a opté pour le mot « médina » en traduisant le titre de l’œuvre أولاد حارتنا[4] par Les Fils de la médina : ce terme est emprunté à l’espace maghrébin avec des connotations autres.
Avant d’aborder les diverses possibilités adoptées pour traduire le terme "حارة", nous tenons à mettre en évidence les traits spécifiques de cet espace urbain et sa particularité dans le contexte égyptien. C’est un espace restreint, un microcosme, un univers intime où se manifestent clairement les ambitions des gens du peuple, leurs fantasmes et leurs croyances, leurs mœurs et leurs traditions permettant de rendre compte des métamorphoses subies par la société à une époque donnée. La hâra est le lieu représentant les contrastes par excellence, entre historicité et modernité, public et privé, ouverture et enfermement. De même, son originalité réside dans ce qu’il se situe à la lisière entre la sphère publique et la sphère privée.
Outre sa dimension sociale et culturelle, ce terme revêt également une dimension historique puisqu’il remonte à l’époque médiévale. D’après Garcin, celui-ci est utilisé à partir du IXème siècle dans les documents égyptiens pour localiser les maisons. La structure du tissu urbain se transforme au fil des années et donne naissance à de nouveaux concepts comportant des connotations diverses.
Par conséquent, les nuances de sens suggérées par ces termes « impasse », « quartier », « médina » ne rendent pas la complexité sémantique de la « hâra », dans la mesure où cette dernière représente une entité spatiale spécifique à la culture et l’identité égyptiennes. Selon le Robert, le mot « impasse » dispose d’un sens figuré signifiant « une situation sans issue favorable » : c’est le terme choisi par Osman pour faire allusion à l’intrigue de l’œuvre : la crise sexuelle qu’affrontent les riverains.
Le terme « quartier » paraît plus général que la hâra. En d’autres termes, le quartier pourrait englober une multitude de rues et de ruelles. Marc Kober insiste sur l’idée d’ampleur et du grouillement humain [5]suggérés par le mot « hâra » et la distinguant des autres réalités urbanistiques. Quant à la troisième option « médina », celle-ci semble être la plus éloignée ; il s’agit d’un emprunt signifiant « ville » et dont l’usage est récurrent aux pays du Maghreb. Les alternatives de traduction susmentionnées ne correspondent pas à la réalité de la hâra décrite dans les œuvres égyptiennes. Ces tentatives sont imprécises et n’en présentent qu’une image partielle de la réalité et ne coïncident pas avec la conception de Mahfouz et de Ghitany.
La difficulté de la traduction des réalités désignées de l’urbanité réside dans la variation des formes construites. Les transformations de l’espace urbain et son évolution au fil du temps pousse à forger des néologismes avec leurs propres caractéristiques. Comme le montre Jean-Claude Garcin : « Tout au long de cette évolution, les termes désignant les cheminements à travers la ville (zuqâq, darb, shari’, tariq), et ceux qui servaient à nommer l’habitat (dâr, bayt, manzil) sont restés pratiquement identiques, alors qu’ils ont dû correspondre à des réalités différentes. [6]».
Dans le projet littéraire de Ghitany, nous remarquons son intérêt pour l’étude minutieuse des quartiers populaires du Vieux Caire islamique à laquelle il consacre son ouvrage ملامح القاهرة فى ألف سنة[7] et son romanخطط الغيطانى[8] imitant ainsi le parcours d’Al-Maqrîzî[9], l’un de ses prédécesseurs.
Dans son œuvre خطط الغيطانى, Ghitany s’inscrit dans la lignée des historiens médiévaux : il revivifie le genre littéraire des Ḫiṭaṭ(ou topographies) issu de la tradition littéraire médiévale pratiqué tout au long de six siècles, du IIIème au IXème siècle. Comme Sobhi Bouderbala l’explique : « Il s’agit d’une « description de topographie historique », dans laquelle la ville est le personnage principal, le centre d’intérêt premier. [10]»
Les raisons du choix du genre des Ḫiṭaṭ résident essentiellement dans le sentiment d’appartenance à l’Egypte et à son patrimoine architectural. Ainsi, le thème de la crise y est-il omniprésent. Sa vocation principale consiste à décrire et à sauvegarder l’état des lieux avant leur effacement. La portée de la crise a façonné l’historiographie égyptienne, C’est ce qu’explique Sylvie Denoix :« le repère chez al-Maqrîzî est toujours la crise (al-šidda) ou la ruine (al-ḫarȃb) qui affecte la cité. Ecrire les Ḫiṭaṭ a pour objectif d’enregistrer les vestiges, les traces, les bâtiments avant leur disparition. [11]» C’est, en effet, la même logique qui conduit les motivations de Ghitany dans l’écriture de ses œuvres : résister contre la finitude et la disparition tout en essayant de « conserver » les traits du Vieux Caire islamique.
Revenons au roman"وقائع حارة الزعفرانى" notre objet d’étude. Celui-ci est marqué par une forme proche du documentaire. Cette volonté apparente d’objectivité est déjà annoncée dès le titre, à travers le terme "وقائع". Nous pouvons constater que l’auteur opte pour un style quasi impersonnel qui se veut objectif, basé essentiellement sur des documents officiels ou administratifs. Outre leur dimension informative, ces documents revêtent une fonction de témoignage du statu quo vécu par les riverains. Ceci rapproche l’œuvre d’une enquête de terrain ayant pour but de présenter une réflexion critique de la société égyptienne en pleine mutation. L’analyse de ces dossiers ainsi que l’étude de leur juxtaposition offrent une vue globale de la situation critique en Egypte lors des années soixante-dix. Dans son article, Mohamed Saad Eddine El-Yamani nous explique la particularité de cette œuvre : « La construction du roman se poursuivra sous la forme d’une fine mosaïque où se mêlent procès-verbaux de la police secrète, rapports de la commission des affaires zaafarâniennes, instructions du conseil supérieur de l’information, mémorandums de la sécurité spéciale, rapports d’indics, communiqués de presse et dépêches d’agences, complétés par une suite de portraits et de comptes rendus journalistiques (…)[12] ». Dans la même optique, la spécificité de cette œuvre réside dans le recours à l’une des « ruses » narratives, à savoir l’ambigüité. Celle-ci est omniprésente à tous les niveaux : lexical, sémantique, syntaxique et même typographique. L’auteur tente constamment de dérouter son lecteur et de l’induire en erreur pour qu’il puisse partager les sentiments de doute et d’incertitude ressentis par les personnages à cause du talisman. Une question se pose alors : Pourquoi recourir à l’ambiguïté et par quels moyens ? Denise et Frédéric François nous éclairent sur ce sujet d’un point de vue linguistique : « Lorsqu’on utilise une langue (et notamment lorsqu’on écrit), on ne vise pas toujours et uniquement à établir une communication : on se dérobe parfois devant elle et on peut, à diverses fins, détourner la langue de sa fonction principale ou la charger de fonctions adventices (stylistique, ludique, cryptique…), ce qui détermine des types autres de fonctionnement et notamment le foisonnement de certains traits qu’on a pu appeler ambigus [13]». Par conséquent, Ghitany recourt fréquemment à diverses formes : l’ellipse, l’usage, le style indirect libre, l’omission des incises et aux phrases excessivement longues. Tous ces procédés d’écriture accentuent l’effet flou du texte, ce qui intensifiant l’atmosphère de doute, de malaise et de confusion suggérée par le roman. Ceci est souligné également à travers la formule imposée par le cheikh Ateyya « Voilà venu le temps de la fuite » ou "هذا هو زمن الفرار" afin de remplacer les formules de salutations quotidiennes. Il nous semble alors nécessaire de s’arrêter particulièrement sur ce texte présentant la complexité de l’âme égyptienne afin de découvrir la poétique urbaine de Gamal Ghitany et son transfert vers la langue-culture française par le biais de la traduction.
En effet, la problématique de l’ambiguïté linguistique a fait couler beaucoup d’encre depuis toujours. Mais avant de l’aborder en détails, il convient de mettre en lumière ce qu’est la notion d’ambiguïté. Irène Spilka nous propose la définition suivante : « Par ambiguïté, nous entendons la propriété qu’ont certains énoncés de recevoir plus d’une interprétation. [14]» Certes, un texte littéraire comportant des ambiguïtés constitue un véritable défi au traducteur, tiraillé entre deux options opposées : restituer les ambiguïtés pour créer un effet analogue à l’original ; ou au contraire, tenter de désambiguïser le texte traduit pour en faciliter la lecture et l’assimilation. En choisissant la première option, le traducteur risque de perdre l’attention de son lecteur, tandis que la deuxième va à l’encontre du principe de la fidélité au texte source. Par définition, le rôle du traducteur consiste à bien assimiler le texte littéraire dans toute sa complexité et ensuite le transmettre au lecteur cible. Avant d’être traducteur, il est d’abord lecteur et récepteur du texte de départ. Tout acte traductif doit être donc précédé par l’acte de lecture visant à faire l’inventaire des traits caractéristiques du texte original et des difficultés de compréhension qu’il présente. Cette opération préliminaire consiste aussi à repérer les cooccurrences du texte de départ et à entrevoir les stratégies qui seront mises en œuvre au moment du transfert. Rappelons l’un des axiomes du processus traductif : l’on ne traduit pas pour comprendre, mais pour faire comprendre. Le traducteur est censé bien assimiler le sens du texte source pour passer à l’étape suivante, celle de la réexpression dans la langue d’arrivée. Pour le traductologue Jean Delisle : « Pour arriver à réexprimer le sens d’un énoncé dans une autre langue, il faut procéder par raisonnement, par associations successives d’idées, par inférences.[15]» Plusieurs questionnements s’imposent : comment le traducteur pourrait-il transmettre un texte ambigu ? Comment pourrait-il aller à l’encontre de sa propre mission à savoir, la transmission « fidèle » du texte de départ à son lecteur cible ? Dans son article, Roland Landheer nous explique : « L’ambiguïté intentionnelle – qu’elle ait une fonction communicative, argumentative, esthétique ou ludique – mérite une attention spéciale de la part du traducteur, comme de la part du traductologue. »[16]Avant de passer à l’analyse de certains extraits constituant des défis à la traduction, il est indispensable de signaler que le nombre de page du texte traduit est presque le double du texte de départ[17]. Nous pouvons donc constater, de prime abord, que le traducteur s’est octroyé une certaine marge de liberté par rapport au texte original. Nous nous baserons sur la méthode d’analyse suggérée par Antoine Berman dans son ouvrage phare La traduction et la lettre ou l’auberge du lointain[18] afin de délimiter le degré de cette liberté et son influence sur le texte d’arrivée. Berman insiste sur la valeur de la littéralité du texte source, en proposant quatorze tendances déformantes lesquelles « forment un tout systématique de la lettre des originaux, au seul profit du ‘sens’ et de ‘la belle forme’ [19]». Parmi ces tendances, on peut citer : la rationalisation, la clarification, l’allongement, l’ennoblissement, l’appauvrissement qualitatif et quantitatif et l’homogénéisation. Nous avons affaire à de multiples types d’ambiguïté qui s’imposent sur tous les plans dont celle-ci : l’auteur tend à présenter des pages entières sous forme de blocs narratifs en raison de la longueur des phrases et la raréfaction des signes de ponctuation, comme nous le voyons dans la figure 1 ci-dessous. La mise en page du texte traduit diffère de celle du texte original dans la mesure où le traducteur subdivise son texte en paragraphes tout en respectant l’alinéa. Si nous observons le texte compris entre les deux astérisques, nous pouvons facilement constater que le traducteur est « présent » dans le texte traduit à travers ses décisions au niveau typographique.
Figure 1 du texte source (p.65) Figure 2 du texte cible (p.97) Il s’ensuit une ambiguïté supplémentaire au niveau sémantique dont la raison est l’emploi récurrent de deux figures du discours, lesquelles sont responsables de l’agencement des mots dans la phrase. La première est l’énallage de temps, de nombre ou de personne que Fontanier définit ainsi : « Loin d’être une faute (…), elle ne peut consister que dans l’échange d’un temps, d’un nombre, ou d’une personne, contre un autre temps, un autre nombre, ou une autre personne[20]». Il s’agit donc d’un type de substitution opéré délibérément par l’écrivain afin d’inciter son lecteur à la lecture active et à contribuer à déchiffrer l’aspect implicite du texte. La deuxième figure est celle de l’ellipse consistant à « la suppression de mots qui seraient nécessaires à la plénitude de la construction, mais que ceux qui sont exprimés font assez entendre pour qu’il ne reste ni obscurité, ni incertitude. [21]». L’omission de certains éléments de la phrase constitue une épreuve au lecteur qui se trouve obligé à pallier ce manque afin de poursuivre la lecture. Comme l’explique bien Onana Atouba, « Une construction est dite elliptique si sa compréhension se fait à travers sa relation avec une autre qui contient au plan de la surface l’information que la structure elliptique camouffle.[22] » De plus, le texte en question comporte une dimension fantastique incontournable basée essentiellement sur un système de croyances implicite inhérent à la mentalité et à la culture égyptiennes. Rappelons que l’élément perturbateur s’avère mythique et surnaturel : le talisman frappe la virilité des hommes résidant dans la ruelle et les rend tous « impuissants » sur le plan sexuel. Ceux-ci se trouvent soudain sous le joug du cheikh Ateyya possédant une force invincible et omnisciente car les riverains sont persuadés qu’il est le seul capable de les guérir. D’ailleurs, personne n’est capable d’entraver l’effet néfaste de son talisman, même les tentatives de l’Etat sont vouées à l’échec. Un tel fléau bouleverse entièrement la vie des riverains et les rend, à la fois, agressifs et violents. Cette intrigue comporte une part importante d’implicite idéologique et symbolique. Ghitany tourne en ridicule une société stérile et impuissante sur tous les plans : individuel et social, moral et matériel, privé et public. Il dresse l’image d’une société incapable d’affronter ses défauts et de relever ses défis. En effet, les passages comportant une charge fantastique intensive s’avèrent ambigus et constituent un véritable problème à la traduction dans la mesure où ils reposent principalement sur l’ensemble des traditions et des croyances populaires issues de l’héritage culturel égyptien, lequel diffère des autres pays du Moyen Orient. Comment pourrait-il transposer un effet fantastique analogue au lecteur cible ? Extrait n.1 "سألت أم يوسف أکثر من مرة عن حالته أثناء نومه بالفرن، قالت إن عفريتاً سد طريق زوجها، أما ابنها يوسف فقابله عسکرى سأله عن حارة الزعفرانى، قال له أنت بها. ضحک العسکرى وأدار ظهره مولياً، هلع يوسف إذ رأى ساقيه عاريتين لهما حوافر کالمعيز، لجأت إلى الشيخ عطية ليعد لها حجاباً يزيل آثار الصدمة من ابنها، ولولاه لجن يوسف" (ص. 36) « Oumm Youssef lui avait demandé à plusieurs reprises quel effet cela lui faisait de coucher au fournil, avec tous ces djinns qui rôdaient. L’un entre eux barrait jusqu’à maintenant la route entre elle et son mari. Quant à son fils Youssef, il avait eu lui aussi une mésaventure avec les mauvais génies. Un jour, un soldat l’avait interpellé pour lui demander le chemin de l’impasse Zaafârani. « Tu y es », avait répondu Youssef. Le soldat s’était esclaffé avant de tourner les talons. Youssef avait alors eu une vision d’horreur : les jambes du soldat étaient nues et elles se terminaient par des sabots comme ceux des chèvres. Elle avait dû s’en remettre au cheikh Ateyya pour qu’il prépare un talisman afin de dissiper le choc subi par son fils. » (p.60) Il est important de signaler que le traducteur adopte la stratégie de l’emprunt dans divers cas : il adopte le choix du terme « Oumm[23] » tout au long de son texte. Dans une note en bas de page, le traducteur justifie cet emploi systématique de l’emprunt en expliquant à son lecteur français que, dans la classe populaire égyptienne, il est inacceptable d’appeler une femme par son propre prénom, il est alors préférable de l’apostropher par le biais du prénom de son fils (ou fille) aîné(e) précédé par le mot « oumm » ou « mère ». Commençons tout d’abord par le repérage des ambiguïtés posées par ce passage. Le verbe "سألت" n’est pas voyellé par les signes diacritiques : celui-ci pourrait donc être lu et interprété de deux façons : "سألتُ" (j’ai demandé) ou bien "سَأَلتْ" (elle a demandé). Il est donc difficile de déterminer le sujet de la phrase ainsi que son genre. L’effet d’ambiguïté est accentué en raison de l’effacement du pronom référant à l’interlocuteur potentiel de la mère de Youssef."سألته / قالت له" Il s’agit également d’une forme elliptique dans la mesure où le lecteur s’attend à la question posée par le personnage. C’est pourquoi, dans le texte d’arrivée, le traducteur œuvre à combler cette lacune et à insérer la formule de l’énoncé interrogatif : « quel effet cela lui faisait de coucher au fournil. » L’emploi du discours indirect libre constitue l’une des sources principales de l’ambiguïté dans le texte original. L’absence des guillemets et le manque des signes de ponctuation rendent le texte original déroutant. Il s’agit d’une double situation d’énonciation. Oumm Youssef s’adresse à Owiess et lui rapporte l’échange qui a eu lieu entre son fils et le soldat. Comme Danielle Forget le souligne : « Les plans énonciatifs s’imbriquent les uns sur les autres, le plus souvent sans marques attributives, ce qui fait un contexte propice à l’ironie, un lieu de négociation du sens qui s’approvisionne à l’hétérogénéité. [24]». Le traducteur effectue une série d’ajouts pour démystifier le texte de départ : le segment « avec tous ces djinns qui rôdaient » est ajouté au texte d’arrivée pour éclaircir la toute première phrase du texte original et pour créer un enchaînement logique avec le paragraphe précédent. Notons qu’il est difficile de préciser le type du mouvement attribué à un être invisible : les choix sont multiples (marcher, galoper, courir, etc.) mais inadéquats selon le contexte. Le fait d’associer le verbe « rôder » aux « djinns » semble parfaitement propice. Le syntagme "سد طريق زوجها" nous paraît intéressant dans la mesure où il rend le lecteur perplexe, ne sachant s’il s’agit d’une « route » matérielle ou bien symbolique renvoyant à la relation sexuelle. Le traducteur a opté pour la deuxième interprétation puisqu’elle va en parallèle avec le contexte général de l’œuvre. C’est pour cela qu’il ajoute le segment « entre elle et son mari » à la phrase française. En outre, l’extrait susmentionné dresse une image culturelle typiquement liée aux croyances populaires chargées de superstitions. Comme il est conscient de l’écart séparant le lecteur cible de cet imaginaire populaire, le traducteur intègre une phrase introductive « Quant à son fils Youssef, il avait eu lui aussi une mésaventure avec les mauvais génies » pour assurer l’enchaînement logique entre les phrases. Au lieu de traduire le syntagme "هلع يوسف" par l’un de ses équivalents directs « s’angoisser, paniquer », il recourt à la locution verbale « avoir une vision d’horreur » comme moyen d’amplification et d’hyperbole. Dans le texte de départ, tous les verbes sont à l’accompli. Or, le traducteur alterne imparfait et plus-que-parfait : il se sert de l’imparfait pour la description, alors que le-plus-que-parfait contribue à exprimer les procès antérieurs au moment de l’énonciation. Sur le plan lexical, signalons que le terme « talisman » est l’un des termes clés de cette œuvre : rappelons que celui-ci est la cause principale de tous les malheurs, vécus par les riverains. Or, dans cet extrait, celui-ci possède un effet « thérapeutique » ou protecteur. Par conséquent, une note en bas de page serait nécessaire pour avertir le lecteur de cette dualité de sens. Il emploie la locution verbale « tourner les talons » pour traduire "أدار ظهره مولياً" : ce choix change la perspective du texte de départ mettant l’accent principalement sur la grande taille du soldat, tandis que la version française met en relief le mouvement de ses pas. Extrait n. 2 " (...) تؤکد إحداهن إنها فتحت باب حجرته فلم تجده ، قادر على اتخاذ هيئات مختلفة، ربما يختفى فى تلک القطة السوداء المارة الآن ، ينتبهن فجأة إلى تجاوزهن الحد فى الحديث ، بعضهن يتذکرن السلالم المظلمة التى سيصعدنها أثناء عودتهن، يهمسن "والله کله برکة" ، ينتقلن إلى موضوع آخر." (ص. 54) « Une riveraine assurait qu’un jour, elle s’était décidée à ouvrir la porte de la chambre ; elle avait regardé partout : il n’y était pas… C’est qu’il pouvait adopter les formes les plus variées. Peut-être était-il ce chat noir en train de se faufiler hors de l’impasse ? Elles s’interrompaient soudain, conscientes que la conversation les avait emmenées trop loin, certaines pensaient à l’escalier plongé dans les ténèbres qu’il leur faudrait gravir tout à l’heure pour rentrer chez elles, et marmonnaient aussitôt : ‘‘Le cheikh est décidément un puits de bénédictions’’, avant de changer de sujet. » (p.88) Ce passage présente une scène d’une conversation entre les femmes de Zaafarânî, dont l’axe principal est le personnage du cheikh Ateyya, présenté comme un phénomène extraordinaire. Celles-ci décrivent, de manière hyperbolique, ses aptitudes surnaturelles, ce qui aggrave le degré de crainte collective provoqué par ce personnage énigmatique. En raison de la modestie de leur niveau éducatif, la croyance au surnaturel est un fait incontestable. Dans un milieu régi par les conflits et le mauvais œil, celles-ci considèrent la pratique de la sorcellerie comme un moyen de protection contre les malheurs d’autrui. Dans ce passage, la part d’ambiguïté des énoncés est importante dans le sens où il s’agit de bribes de répliques énoncées par les femmes de Zaafarânî lors de leur échange. Le chevauchement entre le style indirect et indirect libre d’une part et l’entremêlement des énoncés des personnages et ceux du narrateur d’autre part contribuent à dérouter le récepteur. D’ailleurs, le fragment suivant "قادر على اتخاذ هيئات مختلفة" semble incomplet du point de vue grammatical : celui-ci commence par le prédicat et le sujet de la phrase, le cheikh, a été effacé. Les ajouts opérés par le traducteur contribuent à combler les blancs du texte de départ, comme à titre d’exemple : « un jour », « s’était décidée », « elle avait regardé partout », « hors de l’impasse », « pour rentrer chez elles », « aussitôt ». Ces ajouts visent à clarifier le texte traduit, à compléter ses vides et, par suite, à y ajouter des nuances pour le rendre plus cohérent et plus rationnel. Il faut souligner que la rationalisation et la clarification sont deux tendances déformantes de la littéralité du texte original. Comme Berman l’explique : « Toute traduction est tendanciellement plus longue que l’original. C’est là une conséquence, en partie, des deux premières tendances évoquées. Rationalisation et clarification exigent un allongement, un dépliement de ce qui, dans l’original, est « plié »[25]». « Elles s’interrompaient soudain » : ce syntagme change la logique de la phrase originale. C’est vrai que les femmes prennent conscience de dépasser les limites mais le texte de départ ne signale pas leur décision de se taire. Le traducteur ajoute ce fragment comme une conséquence logique de ce qui précède. Pour traduire le syntagme "تجاوزهن الحد فى الحديث", Osman choisit la formule suivante « la conversation les avait emmenées trop loin » : ceci change le point de focalisation en considérant le terme « conversation » comme le sujet de la phrase au lieu des femmes de Zaafarânî. Trois temps verbaux s’enchevêtrent dans cet extrait : le passé (فَتَحتْ، تجده), le présent (تؤکد، يختفى، ينتبهن، يتذکرن، يهمسن، ينتقلن) et le futur(سيصعدنها) . Le narrateur ne respecte pas l’ordre chronologique des événements ; ceci prête à confusion. Il y a une oscillation permanente entre le passé et le présent, entre l’accompli et l’inaccompli. Dans la version traduite, Khaled Osman a préféré l’usage de l’imparfait et du plus-que-parfait comme nous l’avons déjà expliqué dans l’extrait précédent. Contrairement à la rareté des signes de ponctuation dans l’original, le traducteur recourt aux trois points de suspension pour communiquer l’incertitude régissant le texte de départ. « Ce silence, surtout dans sa version narrative, est l’opérateur irremplaçable de la lecture dans sa dimension de décryptage et de construction sémantique.[26] » L’une des sources de l’ambiguïté est l’usage de termes polysémiques à connotation religieuse, tels que le terme"البرکة" lequel figure dans l’énoncé prononcé par l’ensemble des femmes "والله کله برکة". Celui-ci est accentué par le serment. La portée de cet énoncé réside dans sa valeur, à la fois, symbolique et ironique. Le motif est certainement la peur implicite ressentie par les riverains à l’égard du cheikh et de ses compétences dans la pratique de la sorcellerie. En fait, d’après le narrateur, le cheikh est source de toutes les malédictions dont souffrent les gens de Zaafarâni. Signalons que le traducteur a employé le mot « bénédiction », mais dans le cadre d’une figure de style, à savoir la métaphore « puits de bénédiction », afin de compenser l’absence du serment qu’il a omis. Il recourt à la locution « puits de… » pour exprimer l’hyperbole. Extrait n. 3 "أم رأس الفجلة شوهدت تتجه إلى غرفة الشيخ ، منذ سنوات قالت للست وجيدة إن الشيخ بارکها وهى طفلة ، يومها انتهزت الست وجيدة فرصة نطق العجوز الصامتة دائماً ، سألتها ، هل تعين على الشيخ ؟ قالت، وکيف لا... وهو البرکة کلها؟ " (ص. 52) « La mère de Tête-de-Radis recourait également aux services du cheikh. Il y a quelques années, elle avait raconté à sett Waguîda qu’enfant, elle avait été bénie par le cheikh. A l’époque, sett Waguîda avait profité de cette rare confidence pour faire parler un peu la vieille femme, d’ordinaire si avare de paroles. Elle lui avait demandé si elle avait des souvenirs précis concernant le cheikh. La vieille avait répondu : « Et comment !... N’est-il pas la bonne fortune personnifiée ? » » (p. 84 et 85) Dans le présent extrait, il s’agit de la figure d’énallage dans le temps, constituant ainsi une rupture dans la narration : les indices temporels figurant dans le texte de départ sont flous et imprécis, comme à titre d’exemple : "منذ سنوات" et ."يومها" Le traducteur tente de préserver l’ambiguïté en utilisant des indications temporelles imprécises, comme par exemple « Il y a quelques années » et « A l’époque ». Les deux premiers fragments comportent une ambiguïté sémantique. L’emploi du passif marquant le verbe "شوهدت" suggère un effet d’imprécision, dans le sens où le lecteur ne connaît pas le sujet de ce verbe. Ce syntagme "تتجه إلى غرفة الشيخ" s’avère ambigu et pourrait être interprété de deux manières : elle passe par la chambre du cheikh ou bien elle le visite de façon régulière. Or, le traducteur opte pour la seconde interprétation tout en effaçant la voix passive, puisqu’il traduit le verbe "تتجه" par « recourir aux services ». Dans son ouvrage La traduction raisonnée, Jean Delisle tient à éclaircir cette notion : « On fait de la sur-traduction lorsqu’on explicite abusivement en français ce qu’il convient de garder implicite en passant d’une langue à l’autre. »[27] Quant au fragment suivant, nous n’arrivons pas à préciser si l’acte de bénédiction a été subi par Waguîda ou bien par la vieille femme. Il s’agit d’une ambiguïté intentionnelle de la part de l’auteur en employant la figure de l’énallage des personnes qui sollicite un lecteur averti. Dans la version traduite, le sujet traduisant conserve l’ambiguïté du texte de départ en employant le passif : ceci lui a permis d’employer le pronom sujet « elle », lequel peut renvoyer, à la fois, à Waguîda ou à la vieille femme. L’expression "هوالبرکة کلها" émise par les femmes dans la séquence précédente et traduite par « puits de bénédiction », se répète dans ce passage. Il est indispensable de signaler que le mot "برکة" est l’un des dispositifs principaux de l’hégémonie exercée par le cheikh Ateyya dans la société. Ce concept subtil paraît important pour soumettre les gens du peuple à son autorité. Comme cette notion dépasse la raison, les riverains n’arrivent pas à déceler les limites de ces aptitudes. Le traducteur tend à diversifier ses choix : il est conscient de la portée de ce vocable et de sa charge symbolique implicite. Il souligne l’ironie implicite à travers le choix de la question rhétorique ainsi que l’expression hyperbolique « la bonne fortune personnifiée ». Il est important de signaler que "رأس الفجلة" est le surnom de l’un des personnages : le traducteur recourt au calque, « Tête-de-Radis », afin de rendre sa connotation, à la fois, ironique et culturelle. Dans les milieux populaires égyptiens, les gens ont tendance à commenter la physionomie de certaines personnes, à travers les surnoms. Extrait n. 4 : " تقول فريدة إن بثينة تشاجرت مع الست زنوبة المطلقة لکنها خناقة قصيرة اکتفت خلالها بثينة بوصف زنوبة بالضائعة ، بکت زنوبة بحرقة مما أثار شفقة الناس عليها ، ولم تعرف أسباب الخلاف بعد ، بائع فجل دخل الحارة وعندما قالوا له عن الطلسم خرج يجرى ، حوالى الثالثة ظهر ثلاث نساء يرتدين السواد، سألن عن شخص اسمه فرج ، لم يدلهن أحد (...)" (ص. 89) « Farîda rapporta que Bothaïna s’était querellée avec sett Zannouba la répudiée, mais l’altercation avait été de courte durée. Bothaïna s’était contentée de traiter Zannouba de « femme perdue », et Zannouba avait éclaté en sanglots, s’attirant la compassion des riverains. Ceux-ci n’avaient cependant pas réussi à savoir de quoi il retournait. Un vendeur de radis avait pénétré dans l’impasse, mais lorsqu’on lui avait parlé de l’envoûtement, il avait pris ses jambes à son cou. Vers trois heures de l’après-midi, on avait vu arriver trois femmes tout de noir vêtues, elles avaient demandé où trouver un certain Farag, sans obtenir de réponse. » (p. 135) Ce passage montre le style fragmentaire, régi par les ruptures : nous avons affaire à un ensemble de constructions elliptiques relatant des sujets divergents. Pour restituer ces phrases lacunaires, le traducteur essaye de reconstituer des liens logiques lui permettant de les transmettre dans la langue cible ; c’est pourquoi il découpe le passage en deux paragraphes distincts afin d’en faciliter la lecture. Il tend à rationaliser son texte à l’aide des signes de ponctuation et des normes typographiques. Dans le texte de départ, les frontières entre les propos de Farida et ceux du narrateur s’estompent. Ceci donne lieu à la diglossie, mélangeant des termes appartenant au registre populaire au langage standard employé par le narrateur. Nous remarquons donc la présence de termes tels que :الضائعة "، "خرج يجرى" ، "خناقة". La traduction de ces trois expressions révèle le recours à trois stratégies traductives. La première est l’emploi récurrent dans le texte d’arrivée de termes relevant du registre de langue soutenu : le mot « altercation » choisi par le traducteur le prouve. La deuxième est la tendance du traducteur d’utiliser les locutions figées, comme « prendre ses jambes à son cou », laquelle signifie fuir en courant. Le fait de traduire littéralement l’injure "الضائعة" par « femme perdue » ne rend pas son aspect moral de « dépravée » que le traducteur emploie dans d’autres passages de son texte. Ajoutons à cela la présence d’un terme équivoque dans la version originale, à savoir le mot "ظهر" : le lecteur n’arrive pas à préciser s’il s’agit d’un indice temporel "ظهراً" ou bien de l’accompli du verbe "ظَهَرَ" (apparaître). Les deux mots s’écrivent de la même manière et l’absence des signes diacritiques accentuent l’effet de l’ambiguïté. Il s’avère difficile de rendre ce jeu de mots basé sur l’homonymie réunissant deux sens divergents. Le traducteur tend à faire la transcription des appellations traditionnelles où le nom et la fonction (le statut civil en cas de femme) sont juxtaposés de manière systématique. Khaled Osman adopte le procédé de l’emprunt dans la transcription du mot arabe "ست"« sett » et en même temps essaye de trouver l’équivalent direct de l’expression "زنوبة المطلقة"en optant pour « Zannouba la répudiée », afin de communiquer à son lecteur l’une des particularités culturelles de l’Egypte. Comme l’explique Eve de Dampierre-Noiray, « L’article défini indique le caractère unique de chaque métier et la renommée dont jouit celui qui l’exerce, reflétant la valeur universelle de ces appellations à l’intérieur du microcosme. [28] » En guise de conclusion, la traduction de cette œuvre permet au lecteur français de pénétrer l’univers mystérieux de la « hâra » égyptienne et d’entendre les voix de ses habitants. A travers ce roman, Ghitany donne à son lectorat la liberté de déduire sa propre perception de l’Egypte et de ses métamorphoses durant les années soixante-dix. Le lecteur est implicitement invité à prendre part à l’action, à analyser les « dossiers » exposés, à critiquer la situation actuelle et à prévoir l’avenir du pays à la lumière des documents présentés. Il est indéniable que la traduction d’un texte pareil constitue un défi majeur. Ceci requiert une extrême habileté, de l’ingéniosité et de la persévérance de la part du traducteur afin de reproduire son texte cible. Nous ne pourrions pas donc nier l’effort déployé par le traducteur pour surmonter des obstacles hétérogènes, tels que : l’ambiguïté intentionnelle de la part de l’écrivain, la longueur excessive de certaines phrases, la diglossie, le manque de signes diacritiques, la polysémie de certains termes, l’énallage, les constructions elliptiques, la raréfaction des signes de ponctuation, etc. Face à la contrainte de l’ambiguïté imposée par le texte source, le traducteur se trouve amené à recourir à sa propre inventivité langagière. Il réussit parfois à restituer un effet ambigu analogue dans son texte d’arrivée. Cependant, le plus souvent, il tend à enlever l’ambiguïté issue du texte original tout en misant sur sa propre aptitude d’interprétation de la phrase ou du passage en question. En adoptant les diverses stratégies traductives, le traducteur recrée l’original tout en ayant pour but de garantir sa survie dans le contexte littéraire français. Il recourt à plusieurs tendances déformantes que nous avons pu relever lors de l’analyse des extraits, entre autres : la rationalisation, la clarification, l’allongement, l’homogénéisation. Il va même jusqu’à réécrire le texte dans la langue cible. Dans son ouvrage Traduction et culture, Jean-Louis Cordonnier explique la complexité du phénomène de la réécriture : « (…) la répétition d’un même texte ne donnera jamais « le » même texte, parce que l’existence même de cette répétition, le fait qu’elle ait lieu, prouve que les paramètres de la situation d’énonciation l’ont exigé et l’ont changé, et cette modification donne un nouveau sens au texte répété, (…) » (p.34) Traduire et écrire sont deux activités mentales s’exerçant entre deux langues-cultures divergentes. Il s’agit donc d’un moment de tensions extrêmes où le processus traductif est mis en jeu. Le traducteur-écrivain se distingue par une sensibilité à l’égard du texte de départ lui permettant de le découvrir en profondeur. Il s’appuie sur l’esthétique du texte original tout en usant de son talent créateur afin de reproduire un texte cible jouissant d’une même force expressive. Dans son livre intitulé Théories et pratiques de la traduction littéraire, Inès Oseki-Dépré considère que « Toute tentative de traduction des textes, surtout poétiques, est en quelque sorte un travail de recréation et de réexpression [29]». Le sujet traduisant tend, consciemment ou non, à transformer le texte qu’il traduit et ce, à travers l’ajout de nouvelles figures de style ainsi que l’emploi des locutions comportant un sens figuré lequel ne peut être déchiffré que par un lecteur français. Son souci principal est de présenter à son lectorat un texte intelligible pour qu’il puisse saisir la visée intentionnelle de l’auteur. Il se trouve parfois tiraillé entre sa poétique personnelle et celle de l’auteur de l’original. Etablir le juste équilibre entre les deux poétiques paraît une condition fondamentale garantissant la réalisation et la réussite du processus traductif. La transformation du texte original est, par conséquent, presque inévitable dans la mesure où la situation d’énonciation varie selon les conditions de la publication de l’œuvre traduite dans le champ littéraire récepteur.
Bibliographie : Corpus: الغيطانى، جمال ، وقائع حارة الزعفرانى، مکتبة مدبولى ، الطبعة الثانية، القاهرة، 1985 GHITANY, Gamal, La mystérieuse affaire de l’impasse Zaafarâni, roman traduit par Khaled Osman, Paris, Actes Sud, 1997. Ouvrages consultés :
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[1] الغيطانى، جمال ، وقائع حارة الزعفرانى، مکتبة مدبولى ، الطبعة الثانية، القاهرة، 1985 [2] GHITANY, Gamal, La mystérieuse affaire de l’impasse Zaafarâni, roman traduit par Khaled Osman, Paris, Actes Sud, 1997. [3] محفوظ ، نجيب، حکايات حارتنا ، دار مصر للطباعة ،القاهرة ، 1977 [4] محفوظ ، نجيب، أولاد حارتنا ، دار الآداب ، بيروت ، الطبعة السادسة ، 1986 [5] KOBER, Marc, « Comment raconter Le Caire ? », Itinéraires [En ligne], 2016-1 | 2016, mis en ligne le 1er décembre 2016. Lien de l’article : http://journals.openedition.org/itineraires/3254 [6] GARCIN, Jean-Claude, « Toponymie et Topographie urbaines médiévales à Fustat et au Caire », Journal of the Economic and Social History of the Orient, 27(2), 1984, pp. 113–155. Lien de l’article : https://doi.org/10.2307/3632100 [7] الغيطانى، جمال ، ملامح القاهرة فى ألف سنة، دار نهضة مصر ، القاهرة،1997 [8] الغيطانى، جمال ، خطط الغيطانى ، مکتبة مدبولى ، القاهرة ،1980 Signalons qu’un extrait de Ḫiṭaṭ Al-Ghitany a été traduit par Alain Rousillon. Voici la référence : « L’ultime port. L’ultime scintillement », premières pages du roman Khitat Ghitâni, traduites de l’arabe par Alain Roussillon, dans Égypte/Monde arabe, n°10, Première série, 1992, pp. 143-146. Lien de l’extrait : https://journals.openedition.org/ema/1424?lang=en [9] المقريزى ، تقي الدين ، المواعظ والاعتبار فى ذکر الخطط والآثار المعروفة بالخطط المقريزية، دار الکتب العلمية، بيروت ،الطبعة الأولى، أربعة أجزاء. [10] BOUDERBALA, Sobhi, « L’histoire topographique, un genre littéraire spécifique aux lettrés égyptiens », Annales islamologiques, numéro 45, IFAO, Le Caire, 2011, pp.167-188. Lien de l’article : https://www.ifao.egnet.net/publications/catalogue/?nif=AnIsl045_art_08.pdf&page=1&total=1&nb=10&nv=0
[11] DENOIX, Sylvie, Décrire le Caire, Fusṭâṭ-Misr, d’après Ibn Duqmâq et Maqrîzî, Le Caire, Institut français d'archéologie orientale, 1992, p.13 [12] EL YAMANI, Mohamed Saad Eddine, « le pouvoir et la fiction », Horizons Maghrébins – Le droit à la mémoire, Littérature et héritage spirituel dans le monde arabe et en méditerranée numéro 56, 2007, pp.50-59. Lien de l’article : https://www.persee.fr/doc/horma_0984-2616_2007_num_56_1_2745
[13] FRANÇOIS, Denise Et Frédéric, « L'Ambiguïté linguistique », Word, 23 : 1-3, pp.150-179,1967, p.150. Lien de l’article : https://doi.org/10.1080/00437956.1967.11435472 [14] SPILKA, Irène, « Ambiguïté et traduction », Meta, 26(4), pp.332–337, 1981, p.332 Lien de l’article : https://doi.org/10.7202/004259ar
[15] DELISLE, Jean, La traduction raisonnée : manuel d’initiation à la traduction professionnelle de l’anglais vers le français, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa,2013, p.119. [16] LANDHEER, Ronald « l’ambiguïté : Un défi traductologique », Meta, Volume 34, n.1, Presses de l’Université de Montréal, pp.34 – 44, 1989, p.37. Lien de l’article : https://id.erudit.org/iderudit/003395ar [17] Concernant le texte source, nous travaillons sur l’édition de la bibliothèque de Madbouli laquelle se compose de 278 pages. Alors que la version française publiée chez Sindbad/Actes Sud compte 401 pages. [18] BERMAN, Antoine, La traduction et la lettre ou l’auberge du lointain, Paris, Seuil, 1999. [19] BERMAN, Antoine, Ibid, p.52 et 53. [20] FONTANIER, Pierre, Figures de discours, Paris, Flammarion, 1977, p. 293. [21] FONTANIER, Pierre, Ibid, p.306. [22] ONANA ATOUBA, Pierre Paulin, « L’ellipse dans les discours littéraire, linguistique et cinématographique », Intercambio /Echange, numéro 2, 2018, pp. 97-111. Lien de l’article : https://repositori.udl.cat/handle/10459.1/65438 [23] Il en signale la traduction littérale tout en expliquant la raison de cette appellation dans une note en bas de la page 20. « « Oumm » : mère. Suivi du nom du fils aîné, ce terme est utilisé pour désigner les femmes des quartiers populaires. » [24] FORGET, Danielle, Compte rendu (Le style indirect libre et ses contextes), Sylvie Mellet, Marc Vuillaume et coll., 2000, Amsterdam, Cahiers Chronos 5, Revue québécoise de linguistique, 31(1),2002, pp.131–137. Lien de l’article : https://doi.org/10.7202/006848ar [25] BERMAN, Antoine, Op.cit, p. 56. [26] MOREL, Michel, « À propos des silences du texte narratif », Études britanniques contemporaines [En ligne], 42 | 2012, mis en ligne le 01 septembre 2014. Lien de l’article : http://journals.openedition.org/ebc/1349 [27] DELISLE, Jean et FIOLA, Marco (dir.), La traduction raisonnée, Manuel d’initiation à la traduction professionnelle de l’anglais vers le français, les Presses de l’Université d’Ottowa, collection Pédagogie de la Traduction, 3ème édition, 2013, p.230 [28] DAMPIERRE-NOIRAY, Eve de, De l’Egypte à la fiction, Récits arabes et européens du XXème siècle, Paris, Classiques Garnier, 2014, p.288. [29] OSEKI-DEPRE, Inès, Théories et pratiques de la traduction littéraire, Paris, Armand Colin,2003, p.16 | ||||
References | ||||
Bibliographie :
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[3] محفوظ ، نجيب، حکايات حارتنا ، دار مصر للطباعة ،القاهرة ، 1977 [4] محفوظ ، نجيب، أولاد حارتنا ، دار الآداب ، بيروت ، الطبعة السادسة ، 1986 [5] KOBER, Marc, « Comment raconter Le Caire ? », Itinéraires [En ligne], 2016-1 | 2016, mis en ligne le 1er décembre 2016. Lien de l’article : http://journals.openedition.org/itineraires/3254
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[7] الغيطانى، جمال ، ملامح القاهرة فى ألف سنة، دار نهضة مصر ، القاهرة،1997 [8] الغيطانى، جمال ، خطط الغيطانى ، مکتبة مدبولى ، القاهرة ،1980 Signalons qu’un extrait de Ḫiṭaṭ Al-Ghitany a été traduit par Alain Rousillon. Voici la référence : « L’ultime port. L’ultime scintillement », premières pages du roman Khitat Ghitâni, traduites de l’arabe par Alain Roussillon, dans Égypte/Monde arabe, n°10, Première série, 1992, pp. 143-146. Lien de l’extrait : https://journals.openedition.org/ema/1424?lang=en [9] المقريزى ، تقي الدين ، المواعظ والاعتبار فى ذکر الخطط والآثار المعروفة بالخطط المقريزية، دار الکتب العلمية، بيروت ،الطبعة الأولى، أربعة أجزاء. [10] BOUDERBALA, Sobhi, « L’histoire topographique, un genre littéraire spécifique aux lettrés égyptiens », Annales islamologiques, numéro 45, IFAO, Le Caire, 2011, pp.167-188.
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[14] SPILKA, Irène, « Ambiguïté et traduction », Meta, 26(4), pp.332–337, 1981, p.332
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[15] DELISLE, Jean, La traduction raisonnée : manuel d’initiation à la traduction professionnelle de l’anglais vers le français, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa,2013, p.119.
[16] LANDHEER, Ronald « l’ambiguïté : Un défi traductologique », Meta, Volume 34, n.1, Presses de l’Université de Montréal, pp.34 – 44, 1989, p.37. Lien de l’article : https://id.erudit.org/iderudit/003395ar
[17] Concernant le texte source, nous travaillons sur l’édition de la bibliothèque de Madbouli laquelle se compose de 278 pages. Alors que la version française publiée chez Sindbad/Actes Sud compte 401 pages.
[18] BERMAN, Antoine, La traduction et la lettre ou l’auberge du lointain, Paris, Seuil, 1999.
[19] BERMAN, Antoine, Ibid, p.52 et 53.
[20] FONTANIER, Pierre, Figures de discours, Paris, Flammarion, 1977, p. 293.
[21] FONTANIER, Pierre, Ibid, p.306.
[22] ONANA ATOUBA, Pierre Paulin, « L’ellipse dans les discours littéraire, linguistique et cinématographique », Intercambio /Echange, numéro 2, 2018, pp. 97-111.
Lien de l’article : https://repositori.udl.cat/handle/10459.1/65438
[23] Il en signale la traduction littérale tout en expliquant la raison de cette appellation dans une note en bas de la page 20. « « Oumm » : mère. Suivi du nom du fils aîné, ce terme est utilisé pour désigner les femmes des quartiers populaires. »
[24] FORGET, Danielle, Compte rendu (Le style indirect libre et ses contextes), Sylvie Mellet, Marc Vuillaume et coll., 2000, Amsterdam, Cahiers Chronos 5, Revue québécoise de linguistique, 31(1),2002, pp.131–137.
Lien de l’article : https://doi.org/10.7202/006848ar
[25] BERMAN, Antoine, Op.cit, p. 56.
[26] MOREL, Michel, « À propos des silences du texte narratif », Études britanniques contemporaines [En ligne], 42 | 2012, mis en ligne le 01 septembre 2014. Lien de l’article : http://journals.openedition.org/ebc/1349
[27] DELISLE, Jean et FIOLA, Marco (dir.), La traduction raisonnée, Manuel d’initiation à la traduction professionnelle de l’anglais vers le français, les Presses de l’Université d’Ottowa, collection Pédagogie de la Traduction, 3ème édition, 2013, p.230
[28] DAMPIERRE-NOIRAY, Eve de, De l’Egypte à la fiction, Récits arabes et européens du XXème siècle, Paris, Classiques Garnier, 2014, p.288.
[29] OSEKI-DEPRE, Inès, Théories et pratiques de la traduction littéraire, Paris, Armand Colin,2003, p.16
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